Fort d’une expérience de deux décennies dans dans le domaine du nautisme et de la plaisance français, de formation en économie combinée à une spécialisation dans le nautisme, Nicolas Lewkowitz concessionnaire pour Force 5 nous dresse un état des lieux de ce secteur:
Courtier depuis près de 20 ans, qu’est ce qui vous a poussé à embrasser cette carrière à l’époque?
Cela m’est venu d’une passion pour les sports nautiques en général et d’une formation dans l’enseignement et l’encadrement sanctionné par un diplôme d’état, en parallèle d’études universitaires en Économie, suivies d’un cursus cycle long à l’Institut Nautique de Bretagne à Concarneau.
Qu’est ce qui vous passionne dans votre métier? Quels en-sont les challenges?
L’environnement, les connaissances très transversales demandées, la remise en question perpétuelle, les challenges très différents d’une année à l’autre, mais sans nécessairement avoir beaucoup de visibilité commerciale, les contacts clients qui finalement restent disponibles quand on leur parle de leur loisir… et de luxe! La plaisance reste en effet une activité qui fait encore rêver avec une image positive.
20 ans, c’est assez d’années pour se forger une excellente connaissance du secteur. Vous avez dû assister à une série de changements et d’évolutions importantes, à l'émergence de nouvelles tendances, etc… Pouvez- vous nous en parler?
On n’a jamais toute la connaissances dans un secteur qui évolue très vite, les évolutions sont très marquées sur les bateaux à voile et à moteur - design carène et pont, facilité et plaisir d’utilisation et de vie à bord car lumineux, aéré, sécurisant -, évolution des équipements du bord - matériel électronique plus intuitif et plus ludique -, des équipements de confort, performance sur l’eau par l’évolution des dessins de carène et des motorisations. La nouveauté attire et fait toujours vendre.
Les pratiques d’achat ont effectivement évolué : aujourd’hui le comportement de consommateur de nos clients est arrivé dans la plaisance : l’outil internet est autant utilisé qu’ailleurs, toute l’information existe, les visites en concession sont moins fréquentes car le choix est pratiquement déjà fait en amont, la visite ne sert plus qu’à valider ou pas ce choix et faire connaissance avec le professionnel, elle est donc stratégique dans la démarche d’achat, il faut être prêt pour ce moment important.
Quels ont été les temps forts de votre carrière?
J’ai démarré dans la plaisance au début des années 90, début d’une crise économique jusqu’en 1997, notre chance a été de distribuer une marque leader dans le secteur. A partir de cette date la croissance a été continue et linéaire - parfois même à 2 chiffres - jusqu’en 2007, notre âge d’or à nous dans la plaisance, qui s’en est suivi d’une 2ème crise économique marquée jusqu’en 216-2017. Depuis, la croissance de notre secteur en tant que distributeur est beaucoup plus faible et pas forcément linéaire. Les salons nautiques, quels que soient les périodes, sont toujours restés des moments importants et incontournables pour notre activité; l’impact de notre présence sur ces salons représente encore 70% de notre chiffre d’affaire annuel.
En cas de fluctuations économiques, voire de récession, certains domaines du secteur du luxe ont tendance à connaître des pics au niveau des ventes, qu’en est-il du nautisme d’après votre expérience?
Notre secteur de loisir de luxe sur-réagit à l’activité économique, quand ça va bien, notre activité est très bonne, à l’inverse quand ça va mal, notre activité s’en ressent très vite, ce qui peut atténuer ce phénomène c’est d’être partenaire d’une marque leader et généraliste qui a les capacités de présenter de nombreuses nouveautés chaque année.
Le nautisme est souvent perçu comme un loisir réservé à une élite, “ayant les moyens”, quel est votre avis à ce sujet?
C’était vrai, mais depuis l’activité nautique s’est démocratisée car elle est devenue plus accessible, on peut facilement aller sur l’eau avec n’importe quel support (paddle, location, croisière en groupe,…). En terme d’achat, le ticket d’entrée reste accessible pour un bateau d’occasion récent et même pour un bateau neuf.
Que pouvez-vous nous dire concernant le profil des acheteurs que vous rencontrez? Qui sont-ils? D'où viennent-ils?
Comme je le disais, nous avons à faire à des acheteurs très informés, très connaisseurs du bateau qu’ils souhaitent acquérir, ainsi que de ses concurrents.
Pour l’achat neuf notre clientèle est en général à moins de 5h de trajet de la Vendée, disposant souvent d’une résidence secondaire sur place. Pour l’achat d’occasion, notre clientèle est française, mais aussi européenne. Ce sont des artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions libérales, ou encore des retraités.
D’après votre expérience, que pouvez-vous nous dire de la durée du cycle d’achat d’un bateau? Combien de temps un acheteur met-il à se décider? Quels facteurs entrent en compte dans le processus d’achat?
De mon expérience, la durée du processus d’achat n’est pas liée à la taille du bateau, ni à son budget. En effet, le projet peut aboutir en 2 ans, 2 mois, 2 semaines ou peut-être même 2 jours. L’important est d’être disponible et réactif quand notre client est lui-même disponible. Par contre sa disponibilité ne veut pas forcément dire qu’on aboutira à quelque chose de concret. On plante le décor, mais notre client peut aussi changer d’avis. Je pense qu’il y a maintenant plus de volatilité dans le processus d’achat, car il peut aussi être sollicité par un autre loisir. Avant l’achat bateau était le loisir principal, aujourd’hui c’est devenu un loisir parmi d’autres.
Le processus d’achat demande un accompagnement: il faut rassurer l’acheteur sur la qualité du service qu’on proposera. Il est lié à notre professionnalisme, à la qualité de notre discours, de la marque qu’on représente. Il faut rester authentique et être crédible.
On entend beaucoup parler de démocratisation du nautisme ces dernières années, avec des initiatives telles que “click-a-boat” par exemple, l’achat de bateaux à plusieurs, le chartering, etc…comment percevez-vous cette tendance en France?
Je pense qu’on est au début d’un nouveau comportement encore marginal, d’une volonté d’accéder au nautisme de façon différente sans forcément passer par un processus d’achat, donc de propriété dans un premier temps, mais d’accéder à la plaisance par un usage, un vécu de l’activité bateau - pas beaucoup de temps, comportement de consommateur dans l’immédiateté sans trop anticiper, pas de contraintes, ni de frais d’usage. On parle aussi des Boats Club dont le plus connu est américain. Ce phénomène va se développer, ce sera probablement un relai de croissance pour nous, un complément à notre activité de vente, mais cette clientèle est majoritairement très différente et il faudra s’organiser puisque nous sommes identifiés comme des vendeurs.
Ce comportement existe déjà dans l’automobile - peu d’achats, principalement de la location -, ou dans le domaine immobilier par exemple, avec une volonté moindre d’accéder à la propriété pour les générations plus jeunes.